Le Nouveau rapport au Travail : une adaptation nécessaire
Le mot travail vient du latin tripalium, qui était un instrument de torture composé de trois pieux ! Historiquement, le travail désigne donc la souffrance et la douleur.
Cette notion de travail a évolué, elle est devenue intrinsèquement liée à l’idée de production et de rémunération. En effet, on travaille pour gagner sa vie ! Le travail, c’est aussi la santé, nous assène-t-on ! Certes, mais il a bien d’autres vertus.
Au sens moderne du terme, le travail est une activité humaine à part entière, il structure le temps, donne un cadre et permet de mieux apprécier son temps libre. Il sert aussi pour exister socialement, être connu et reconnu, voir des gens et enfin pour faire des choses qui nous intéressent.
Le travail devient aujourd’hui une activité humaine susceptible d’avoir du sens !
Travailler, impose de développer ses compétences et ses qualités, ce qui est valorisant, donne confiance en soi et contribue à l’épanouissement personnel.
Et si le travail rendait aussi heureux ? Les « métiers passion » existent, le secteur de l’hôtellerie-restauration en est l’exemple même. Ces métiers nécessitent un investissement de soi à temps plein mais les horaires et les conditions contraignantes ont engendré de nombreuses interrogations. La crise sanitaire, a été une période d’introspection qui a accéléré ces questionnements et semble-t-il, a contribué à brouiller les repères.
Aujourd’hui, on remarque un recul de la place du travail dans la vie des Français de façon générale. La proportion de Français en activité affirmant que la place du travail dans leur vie était « très importante » s’est effondrée en un peu plus de trente ans, passant de 60% en 1990 à 24% en 2021.
Ce recul se traduit par un renversement des aspirations et des symboles de réussite professionnelle hérités des Trente Glorieuses et ayant prospéré dans les années 1990.
Une enquête Ifop de mars 2022 nous révèle que pour 56% des Français, le travail est « une contrainte nécessaire pour subvenir à ses besoins » alors que « 44% estiment qu’il s’agit d’un moyen pour s’épanouir dans la vie ».
Le secteur de l’hôtellerie restauration est particulièrement impacté, les effectifs ont fondu et les offres d’emplois ne trouvent plus preneurs. Le secteur fait face à de réelles difficultés d’attractivité et les petits comme les gros établissements sont touchés.
Le premier symbole en perte de vitesse est le temps consacré au travail. Nous assistons à la fin « du salarié qui ne compte pas ses heures » et se manifeste par un renversement des préférences entre le temps libre et l’argent. En 2022, encore selon une enquête Ifop, 61% des salariés français préfèrent désormais gagner moins d’argent, mais avoir plus de temps libre.
Autre fait constaté, la baisse de l’engagement des salariés. Elle trouve son origine dans le fait que les entreprises ne répondent plus à leurs besoins que ce soit en termes de rémunération, de formation, de valorisation, d’aménagement des horaires ou encore d’implication.
Il semblerait que la profession des hôteliers-restaurateurs doive se réinventer pour gagner en termes d’attractivité notamment au niveau des grilles de salaires mais encore plus sur les conditions de travail. Dans le secteur, le salaire mensuel moyen serait de 1.810 euros bruts, selon des chiffres fournis par l’AFP, contre plus de 2.400 euros dans les autres branches professionnelles avant la crise.
A trop vouloir tenir ses engagements au travail, la vie professionnelle a pu empiéter sur la vie personnelle engendrant parfois des sacrifices préjudiciables. « Dans l’hôtellerie-restauration, on fait tous des sacrifices, on travaille quand les autres s’amusent, c’est inhérent à la profession alors même que les salaires ne sont pas attractifs ». Les horaires atypiques (travail de nuit, le samedi, le dimanche) restent des caractéristiques majeures du secteur avec par exemple 54 % des cuisiniers et 66 % des employés qui travaillent le dimanche, contre 31 % en moyenne. Aujourd’hui, la préservation de l’équilibre « vie pro-vie perso » est une quête majeure recherchée par les salariés. C’est un point clé dans la prévention du « Quiet quitting ».
Cette tendance venue des États-Unis, signifie « démission silencieuse ». Concrètement, il s’agit d’une situation dans laquelle les salariés, au lieu de démissionner, restent en poste en effectuant le strict minimum. Cette nouvelle manière d’appréhender sa vie professionnelle signifie : « Travaille à hauteur de ton salaire (ou act your wage en anglais) » et « privilégie ta vie personnelle »
Ce désengagement professionnel touche surtout les jeunes. Les salariés concernés sont physiquement présents au travail aux horaires convenus dans leur contrat mais refusent les heures supplémentaires, les sollicitations en dehors de leurs horaires de travail ou toutes demandes d’aides émanant de l’employeur ou d’un collègue. Les « quiet quitters » veulent également retrouver un équilibre entre les efforts effectués et les récompenses obtenues.
Le rapport à l’espace ou au lieu de travail est tout aussi bouleversé. La demande croissante du télétravail y contribue fortement, tout autant que la fonction d’encadrement qui n’attire plus les jeunes générations. Or dans notre profession les emplois ne sont pas « télétravaillables ». Une solution hybride pourrait être toutefois envisagée dans certains cas, notamment pour les tâches administratives à raison d’une demie journée ou une journée par semaine.
Pendant les confinements successifs, une partie des employés s’est mis à réfléchir sur ses conditions de travail, les grilles de salaires désuètes et des horaires exigeants. Ils se sont découverts d’autres priorités, en passant par exemple plus de temps avec leur famille que lorsqu’ils travaillaient dans un hôtel ou un restaurant, ce qui n’est pas vraiment synonyme de temps libre. Cette réflexion a galvanisé l’envie d’élargir le champ des possibles.
En France, quelque 520 000 démissions ont été enregistrées au premier trimestre 2022 avec un taux de démission de 6,8% parmi les employés de restauration et de 4,7% pour ceux du commerce.
Les collaborateurs ne sont pas forcément partis à la concurrence mais on constate la mise en place d’organisations différentes avec une alternance entre missions temporaires et inactivité ou de changement de statut en adoptant celui de free-lance. Ces organisations sont loin d’être idéales mais elles permettent de choisir son temps de travail et d’optimiser l’équilibre souhaité.
Et pour ce qui est de redonner du sens, beaucoup ce sont tournés vers des reconversions totales passant de la restauration à la permaculture, de l’hôtellerie au service à la personne, du marketing au travail du bois, … Cela est assez nouveau et reflète bien les nouvelles tendances sociétales auxquelles nous faisons face !
Le rapport au travail a bel et bien évolué. On ne rentre plus dans une entreprise pour y faire carrière mais pour y passer un moment de sa vie professionnelle, apprendre, découvrir, s’épanouir. En moyenne, une personne change d’emploi entre 5 et 13 fois au cours de sa carrière. La durée moyenne au même poste est d’environ 5 ans. Selon Pôle Emploi, les jeunes actifs d’aujourd’hui changeront en moyenne 13 à 15 fois d’emploi au cours de leur vie.
On ne retient pas un jeune talent comme un talent expérimenté, dans le secteur de la restauration ou de l’informatique. Les attentes en termes d’avantages sont différentes.
Il y a toutefois des thèmes qui semblent importants pour chaque génération et plus particulièrement attendu dans le secteur de l’hôtellerie restauration.
Tout d’abord, la flexibilité d’organiser son travail et d’aménager ses horaires, hybride, bureau, télétravail, ou encore des semaines de 4 jours, l’assurance d’avoir un ou deux week-end chaque mois, voire encore la fin des horaires en coupure.
Ensuite, les valeurs, appliquées au sein de l’entreprise telles qu’évoquées au cours de l’entretien de recrutement, avec une organisation qui aura un impact sur le bien-être des salariés et leur santé mentale. Un management bienveillant est dorénavant attendu : gratitude, valorisation, écoute et objectifs atteignables contribueront à la performance des équipes, des atouts essentiels à mettre en place pour fidéliser le personnel de l’hôtellerie restauration en quête de sens.
Puis la fierté d’appartenance à une entreprise qui s’engage dans les faits sur des sujets forts et impactants. Un label « écotable » par exemple peut être un levier pour attirer les talents qui souhaitent s’impliquer dans une cause qui leur tient à cœur et qui a du sens.
Enfin, un engagement dans la formation et l’apprentissage des salariés pour accompagner une montée en compétence. Aujourd’hui plus d’un français sur 3 pense que son emploi ne le prépare pas aux défis professionnels à venir sur les transitions environnementales, les évolutions technologiques ou encore les nouvelles exigences du monde du travail.
Les compétences linguistiques par exemple arrivent en priorité avec 29% pour les salariés français et 43% pour la génération Z plus spécifiquement.
Pour faire face à ce nouveau rapport au travail, Il est donc primordial de créer un environnement différenciant en 2023 et au-delà de continuer à croire que le travail contribue à notre bonheur dans la mesure où l’on y trouve le sens recherché.