Présents :

LeaderIA :

Facilitateur :

  • Emmanuel GRUFFAT (Ancien Directeur de Business Unit et Commercial chez Nestlé Waters)

Participants :

  • Irina PRYADKINA : DRH chez Hana Group
  • Sophie NEY : Ex-DRH chez Mademoiselle Desserts
  • Mathieu JACQUET : Directeur Export chez Cafés Richard
  • Emmanuelle BRUN : Directrice de Business Unit International chez Valrhona
  • Hadrien JAUNY : Ex-Directeur Commercial Groupe France & Export chez Mazet Confiseur
  • Stéphane LEMOINE : Directeur Commercial International chez Labeyrie Fine Foods
  • Bertrand AGAESSE : Ex-Directeur Commercial EMEA chez Savencia
  • Sandrine LANSON : Ex-Directrice Export chez Groupe EPIKURE

Le contexte et l’activité d’exportation en chiffres

Avec un chiffre d’affaires de 70 milliards d’euros en 2021 (+12,5% vs 2020), les produits agricoles et agroalimentaires représentent le 3ème poste d’excédent commercial de notre pays avec 8 millions d’euros.

En 2021, comme en 2020, la France reste le 6ème exportateur de produits agricoles et agroalimentaires mondial avec une part de marché (PDM) s’établissant à 4,5 %, soit 3,4% du PIB de la France*.

Le développement à l’international reste, par conséquent, une source certaine de croissance rentable et durable pour nos entreprises et offre de nombreuses opportunités économiques, sociales et culturelles pour les nations, les entreprises et les individus.

Néanmoins, l’export fait face à de nombreux nouveaux défis qui challengent la résilience et la pérennité de ce modèle de croissance :

  • Nouveaux besoins et attentes des clients et des consommateurs dans les différents pays du monde,
  • Evolution du mix de géographies en fonction des événements géopolitiques,
  • Réduction de l’empreinte carbone des activités export,
  • Soutien des investissements sur nos marques et de l’innovation,
  • Evolutions et changements rapides réglementaires,
  • Pression sur la supply chain avec l’inflation et les ruptures d’approvisionnements

Nous avons décidé de porter notre regard sur les nouveaux enjeux autour des hommes, des équipes et de nos organisations qui ont été, en montrant de l’adaptabilité et de la résilience, et resteront des éléments clés de réussite du développement à l’international.

*Source : Les performances à l’export des filières agricoles et agroalimentaires françaises – Rapport du 19 mai 2022

 

Les nouveaux modèles d’organisation qui émergent

 

Nos intervenants sont unanimes sur le fait qu’une organisation performante à l’export s’établit au service d’une stratégie de développement internationale ainsi qu’en fonction de la maturité économique de la zone géographique et du potentiel commercial. En effet, avant de parler d’organisation centralisée vs décentralisée, la question de la stratégie purement export (basée sur une organisation sales et des opportunités en dehors de France) ou internationale (avec un développement de marques, un staffing en central pour la gestion stratégique et des équipes, des bureaux et des grands managers en local) doit être posée.

 

Quel niveau de séniorité est-il nécessaire dans une organisation performante à l’export ?

Tout d’abord, il semblerait que les décisions stratégiques liées à un choix de route to the market (nouveau distributeur ou nouveau bureau) doivent être prises par des collaborateurs seniors pour leur expertise, leur expérience et les relations long terme qu’il est possible de bâtir en ayant un haut niveau de discussion avec le dirigeant du distributeur. Le VIE (Volontariat International en Entreprises = juniors de moins de 29 ans à la date du démarrage de la mission) semble davantage approprié pour accompagner l’induction ou le lancement d’un projet, d’une marque ou d’un distributeur, et faire le lien (fondamental) entre le local et la France.

 

La séniorité dépend aussi de la maturité du marché

En effet d’une part, sur un marché peu mature, le recrutement de seniors peut s’avérer judicieux pour leur connaissance du métier, de la catégorie, et leur évaluation de la capacité du distributeur à accompagner la progression sur le marché cible et le développement d’une relation de confiance. Aussi, si les VIE restent une pépinière de talents pour nos entreprises et représentent une formidable opportunité pour s’ouvrir à l’international et à la culture locale d’un pays à l’échelle individuelle, dans ce cas de figure la mise en place des conditions de leur réussite sont clés pour éviter les insuccès, échecs commerciaux et retards de développement. Ainsi, si leur capacité d’adaptation au pays et à la typologie de clients, leur engagement et leur anglais (avec l’accent local !) ne font aucun doute, la qualité de leur formation, de leur encadrement et de leur accompagnement sont fondamentaux pour devenir le bras armé des distributeurs. Certaines organisations proposent la supervision du VIE par un senior en central dans les Directions Régionales par exemple.

D’autre part, sur un marché davantage mature, certaines organisations prennent le parti de recentraliser le leadership team en France pour des décisions stratégiques plus rapides, notamment en gestion de crise comme nous l’avons connu, avec également une intégration des fonctions supports et métiers (type Supply Chain). Les expatriés et contrats locaux plus juniors sont alors gardés en local pour couvrir le développement des zones.

De plus, l’équilibre expatriés français et locaux dans les zones d’expatriation semble tenir la barre pour garantir plus de diversité et d’adaptabilité pour relever les défis business et humains. Intégrer des locaux dans les fonctions siège et supports de nos entreprises franco-françaises basées en France et souhaitant s’implanter hors de nos frontières est également une solution à privilégier pour établir une stratégie de développement solide. Sur un marché précis il est parfois plus opportun de recruter une personne en local plutôt qu’un français en VIE.

Enfin, la construction d’une communauté et le développement de produits et de marques dans le monde est un travail fastidieux qui doit reposer sur une stratégie export et un investissement important dans les ressources humaines dès le départ.

Conséquence de la Covid, certaines entreprises ont décidé de faire table rase et de licencier rapidement leurs équipes, quitte à repartir de zéro et tout reconstruire ensuite. Néanmoins, les Hommes ont un rôle clé et le recrutement prend du temps, d’autant plus sur des zones peu connues, avec une connaissance et expérience de la culture du pays et de la catégorie. Maintenir l’organisation en place pour entrevoir un redémarrage rapide paraît de ce fait judicieux, quitte à réduire les investissements Marketing et autres frais par exemple.

En temps de crise, il est critique d’assurer la pérennité de l’organisation et la rétention des talents afin d’assurer un retour à la croissance rapide dans les marchés clés. Les Hommes sont des éléments clés dans le mix d’investissements des marques.

Les bonnes pratiques afin de développer la performance et la motivation de nos équipes internationales

 

Un facteur clé de performance et de motivation des équipes, en France et à l’International, post-covid est la capacité de nos entreprises à donner du sens (dans l’activité export notamment attaquée sur l’empreinte carbone + une marque employeur solide) et à renforcer le sentiment d’appartenance des individus pour éviter les départs et conserver les talents.

A ce titre, il est notamment possible de créer un système de tutorat – mentorat entre des seniors et des juniors, en lien avec la première partie de ce compte-rendu, pour un partage de la stratégie, de la perception des rôles et des contributions de chacun et ainsi garantir une bonne cohésion au sein des équipes. La qualité de la communication entre local et central, entre top et bottom est fondamentale dans la dimension de sens, de contribution et d’engagement.

Dès le recrutement, dans les métiers et les fonctions RH, il est nécessaire d’adopter une posture de diversité et de partager une score card pour recruter des collaborateurs en phase avec les attentes et la culture de l’entreprise et qui créent le consensus quant à leurs compétences et leur capacité à atteindre les objectifs fixés.

Une attention particulière doit être portée à l’intégration des nouveaux arrivants, avec la proposition d’un rapport d’étonnement et d’indicateurs de pilotage aux responsables de services, pour évaluer rapidement la capacité du nouvel arrivant et de l’entreprise à collaborer dans la durée et atteindre les objectifs fixés.

Au cours de la vie du projet, la mise en place d’un système de revue des talents partout dans le monde, sur l’ensemble des postes clés de l’organisation, avec le CODIR, est également un gage de réussite, de développement et de rétention des talents. Les individus sont alors objectivés sur leurs avancées et entendus sur leurs besoins à venir ce qui permet de débloquer des ressources supplémentaires non budgétées sur l’exercice en cours.

Le digital a également fait évoluer les relations entre les parties prenantes ces deux dernières années et a permis de belles avancées. L’outil de visioconférence permet notamment de sortir du cadre structuré des entretiens, de se présenter via une courte vidéo simple et assez libre, et amène à penser le recrutement sous un angle différent. Le travail en distanciel avec ces outils a par ailleurs instauré une plus grande égalité entre les équipes centralisées et les équipes supports, a permis de gagner en qualité de conduite/gestion de réunion et de pointer les lacunes du middle management, qui a parfois besoin d’un accompagnement coaching pour bien piloter les équipes à distance.

S’ils représentent un gain de temps et d’argent, les outils du digital ne se substituent pas toujours à une présence physique. Le déplacement, qui coûte souvent très cher, est perçu par la communauté internationale comme un gage de reconnaissance et d’engagement important voire primordial dans certaines zones du monde (Emirats par exemple).

En termes de bonnes pratiques, il n’existe pas de vérité, mais le rôle des Ressources Humaines est nécessaire pour accompagner les managers à développer leur ouverture d’esprit et comprendre les motivations de leurs équipes à s’investir et fournir des efforts pour leur activité et leur entreprise.

La culture d’entreprise et les valeurs sont importantes pour ramener des filiales très dispersées géographiquement et autonomes dans le bon modèle de gouvernance.

 

Les compétences et profils pour assurer les challenges de demain

 

Sur la filière agroalimentaire internationale à l’export, le marché de l’emploi représente 1,3 millions d’emplois soit 5% des emplois en France en 2018.

Dans un contexte fort d’internationalisation du travail, une des compétences clés pour garantir notre développement à l’international, en complément de la compétence métier, est la langue et la connaissance interculturelle des relations humaines et business. Nous ne vendons ni ne créons des relations de la même façon partout dans le monde, il faut s’imprégner de la culture des pays.

Ce constat montre l’importance de l’adaptabilité et de l’intelligence émotionnelle afin de faire face à toutes les situations et d’appréhender chaque pays comme une entité différente et unique, en s’appuyant sur les locaux qui ont la parfaite connaissance de la culture, des coutumes et de comment créer et entretenir des relations.

Une organisation et les décisions de recrutement sont au service d’une stratégie, d’une vision du développement commercial et n’est pas un copié-collé partout dans le monde. Les managers et RH doivent également penser aux compétences qui permettraient de faciliter les passerelles entre les différentes catégories et différents pays. La stratégie de recrutement peut, par ailleurs, être revue en fonction des profils qui se présentent à l’entreprise.

Un autre point important pour l’individu comme pour l’organisation dans sa rétention des talents est de penser à l’étape post expatriation : Comment vais-je créer les conditions d’un retour en France pour mon collaborateur et m’assurer de garder dans mes effectifs et ses compétences ?

Côté métier/catégorie, nos intervenants partagent qu’il faut trouver un équilibre entre l’expertise catégorielle et l’expertise métier à l’international. L’expertise de la catégorie est cependant nécessaire pour en favoriser sa connaissance, être ambassadeur de son business et en prôner les principaux leviers.

Nous avons récemment constaté que lorsque l’environnement externe évolue, entraînant une volatilité du coût des matières premières et des modes de consommation, l’engagement, l’esprit d’entreprendre et la motivation des individus restent les facteurs clés de succès les plus puissants pour nos organisations du travail.

Il serait enfin intéressant, dans un but commun, de réfléchir à une interconnectivité des entreprises sur des catégories spécifiques : si une personne basée au Panama n’a plus les perspectives escomptées pour développer sa carrière, et qu’elle ne souhaite pas évoluer au Siège par exemple, dans une entreprise donnée mais qu’elle souhaite rester dans le pays, pourquoi ne pas faire bénéficier de son expérience et ses connaissances en local à une autre entreprise française ?

Et vous, comment pensez-vous assurer vos challenges de demain à l’export ?